Où il est question d’une party inattendue, d’un karaoké au fin fond de l’Oregon, d’un salon de thé fortuit, de la mère Theresa du triangle d’Émeraude, d’une côte perdue pour Independance day et du dernier ride pour San Francisco.
Pouce levé, quelques bières ont suffi à nous exploser un sourire. Satisfaction d’avoir fini le premier treck, nous nous posons à l’entrée de Lake of the Wood en quête de touristes rentrant de leur week end. Un indélicat personnage veut nous chasser lorsque survient Merlin l’Enchanteur. Lui et sa femme nous délivrent par un charme qui nous restera inconnu et nous partons vers l’océan… Enfin l’océan est à 5/6h de route, et cet agréable ride ne durera qu’une heure.
« Vous allez à la fiesta ? »
20h, un vélo pétarade sur la highway au niveau de Grants Pass, Oregon. Le temps est lourd, les jambes aussi, le pouce ne se couche pas avant le soleil, voilà une bonne règle. Une Ford 77, un torse nu, des dreads dans le dos, la voiture stop d’une manière incisive près de nous. « I’ll go to a party, you to? … You go to the party? » Interrogation / sourire « You want to go to a party? », “Yeah, why not!” “So quick, I don’t want to see the cop” Interrogation / sourire. Le sac est jeté dans le coffre. La Ford vrombit, nous pensons comprendre que la « party » est un festival. 20 min de route, Weeks, notre conducteur, quitte la highway, tourne sur un joint et un sentier digne de ceux du Boom Festival, rassurant ? 10 minutes s’écoulent sur les amortisseurs de la bagnole. Weeks semble bien connaitre les lieux. Des voitures garées sur le bas-côté du chemin, sans hésitation la Ford avance. Un panneau, l’entrée semble couter 30 ou 50 dollars, pour nous peu importe un panneau c’est déjà une présence rassurante d’organisation. Barrière, Weeks négocie, plus de 1000 personnes semblent être dans cette pampa. « On a Weeks à l’entrée, on fait quoi ? », notre pilote lève la voie sur une marmule qui cause au talkie-walkie. «T’emmerde pas, je connais la route ». Weeks n’a montré aucun ticket/aucune tune, et malgré nos présences semble être sûr de lui. Il attend par politesse un signe des vigils. La tire s’enfonce un peu plus dans la forêt. « C’est mon camp, là, mais y’a des mecs qu’ont posé leurs caisses, je continue ». Quelques minutes plus tard, sac sur le dos nous suivons ses pas et ceux de celui qui semble être le proprio du terrain. Le gars nous montre sa caravane nous invite à planter la tente à côté, nos voisins sont les artistes et les organisateurs. Weeks est parti chercher son djembé, il espère pouvoir jouer avec du monde dans la soirée. Brainstorming de quelques minutes entre nous pour prendre conscience de ce qu’on fout là. Cette nuit se sera Reggae in the Three. Du pur son, des gens peacefull dansant ou chillant peinard, une soupe de lentilles ultra épicée, des lumières psychédélisantes dans les arbres, étendus sur le sol, nous écoutons la basse vibrer sous les étoiles. Palier de décompression, le matin même nous nous levions au sommet d’une montagne. « That’s so cool to be stone »
« En fait on vous a pris parce qu’on est un peu saoul ! »
Le festoche se vide, nous avons aperçu Weeks affalé dans sa vieille Ford. Le sentier est bien plus long à pied et sous 40°C, les quelques caisses qui nous croisent sont toutes blindées. Un mec aura l’amabilité de nous ramener sur la highway. 14h plein cagnard, peu de flotte, et un doute subsiste sur la direction. Rien, un tennis imaginaire, rien, un coup de klaxon furtif, rien, des mecs s’arrêtent et tendent 2 bouteilles d’eau, ils habitent le coin et sont passés 2 fois devant nous. Geste sympa. Rien mais nous avons le sourire aux lèvres. 2 rides nous ont été volés par des autostoppeurs placés un peu plus loin sur la route. Rien, le sourire est figé, faut dire que nous avons 8 mois devant nous, le temps ne presse pas notre humeur. Une vitre s’ouvre, « Vous allez où » « l’océan ? » « OK nous aussi, on habite là-bas ». Là-bas, c’est Brookings, ville qu’on visite pour son brouillard, ses bars old school, ou bien pour rendre visite à sa tante friquée en retraite sur la côte. Les filles sont joviales, elles étaient parties en weekend end pour l’anniversaire de l’une d’elle, un peu pompet, c’est la première fois qu’elles prennent des stoppeurs. Ebriété légère qui nous arrange bien. Ce soir nous serons à Brookings. Longue route qui finit dans un bar karaoké où un chanteur tape ses solos avec son harmonica. Nous tentons de gérer le canapé d’une des filles. Ce sera la chambre d’enfant en mode lit superposé. Matelas & douches chaudes, 5 jours que nous n’avions pas eu ça.

« Attendez ma femme veut vous voir »
Perdus dans un bled de vieux à 8h du mat, direction : Salon de thé ! Nous faisons tâches dans cet ilot d’anglaises aux bonnes manières, mais nous sommes accueillis avec le sourire. Deux petits jeunes dans une maison de retraite, ça fait toujours plaisir. Le patron vient taper la causette. Quelques minutes plus tard il nous prie de rester. Monsieur a eu sa femme au téléphone et celle-ci veut à tout prix nous voir. Notre programme est vide, nous laissons la serveuse remplir pour la troisième fois notre tasse de café en patientant. « Vous passez à la maison, vous aurez une douche et vous pourrez vous reposer ». Désolé ma tite dame mais on est frais comme des gardons et propre comme un mioche sortant d’une cuve baptismale. Mamie a le sourire et du temps, elle nous emmènera visiter sa forêt de redwoods, impressionnant géants immortelles, fera quelques détours sur les plages qu’elle apprécie, pélicans et lions de mer, avant de nous déposer à un motel 40 miles plus loin après avoir pris soin d’inspecter l’état des chambres, de la proprio et de s’assurer de la proximité des routes et lignes de bus. Une longue matinée qui finira par de fugaces larmes de notre mamie d’un jour. Nous lui manquons déjà.
« Quand on a un ride, on en profite ! »
Un vieux van, pas de siège à l’arrière mais un lit, deux chiens et une tite dame comme occupant. Voilà la première image de notre Mère Theresa. Elle traçait la route depuis 5 jours, de la frontière canadienne jusqu’au nord de la Californie pour rejoindre une amie. Ride tranquille, arrêt pour les chiens, ça tombe bien, une bande de rennes sauvages se balade au bord de la plage. Elle nous demande, où l’on veut s’arrêter pour finalement nous dire que cela ne sert à rien. Pourtant les commentaires de notre Lonely Planet nous ont attiré dans le coin. Mère Theresa est persuadée que nous serons mieux chez sa copine, que nous pourrons poser notre tente sans soucis et passer quelques jours agréables. « Quand on a un ride, on en profite. Venez avec moi, vous pourrez toujours revenir sur votre route après ». Apôtres, nous nous inclinons devant mère Theresa et suivons sa voix/voie. Sa pote, une cultivatrice de marijuana, son terrain de jeu un coin paumé à 40 km de la Highway, un coin qu’on appelle le triangle d’émeraude…Ça se passe de commentaires. Téléportation dans la série Weed, nous posons la tente dans un jardin fleuri de plantes vertes, quand nous remontons au salon, mère Theresa, sa pote et deux autres miss de l’âge de nos mamans (qui ne s’inquiètent pas à la lecture de ce texte car nous sommes encore vivant, en bonne santé et dans une bonne auberge conventionnelle) sont en train de faire tourner. En bas sa gamine de 16 ans, permis en poche, roule un pur pour Thérèse, elle part en France l’année prochaine pour découvrir le monde et apprendre la langue. Le salon est éclairé de ces bulletins de notes aux commentaires élogieux. Puff Puff Pass. Ce sera 3 jours et 2 nuits au rythme tranquille de la floraison, des colibris qui tournent autour d’un nichoir, de la voie airplanienne de notre hôte sur son piano et en compagnie d’un loup domestiqué.

« Boommmmm !! »
Eclair, fumée, boucan d’enfer. Un feu d’artifice (ou une bombe artisanale ?) vient d’exploser à deux mètres de nous. La plage est remplie de pickup, de bières et d’américains sans idées. Ici la fête nationale c’est juste une occasion de faire du bordel. Le spot est magnifique mais les ricains n’organisent rien, si ce n’est des gros barbecs. Les feux d’artifices pètent dans tous les sens. Un fatras de lumière qui n’a pour seul but de montrer qui a la plus grosse …fusée… rouge ou verte. Du vent, la forêt au-dessus de la plage. En remontant à patte vers notre baraque du moment, les camions de pompier défilent. L’intelligence américaine Un feu d’artifice aura foutu le feu à un paquet d’arbres, fleuretant aux pieds de deux baraques. Notre maitresse de maison a vu les flammes de loin et était prête à décamper, comme tous les habitants du coin apparemment. Les autorités locales signalerons que deux jours plus tôt, au vue de la chaleur, le même incident aurait cramé la moitié de Shelter Cove. Shelter Cove, bourgade cachée en bord de mer, difficile d’accès, surnommée Lost Cost, connue pour sa Black Sand Beach. « Du sable ou des cendres ?», titre foireux que les canards du coin n’ont pas eu à faire grâce à une nuit clémente et des pompiers réactifs.

« Fuck, that’s means be in love in French? »
Les automobilistes du nord de la Californie sont plutôt cools. Ils s’arrêtent pour discuter même s’ils peuvent rien pour nous, où nous déplacent de quelques miles pour nous déposer dans des coins plus propices, quand ils ne nous offrent pas quelques gifts locaux. Le dernier ride vient tout juste de nous larguer, Matt défie le Dieu du stop, croisé d’Hermès et de Saint Christophe avec une casquette Ferrari, de ne pas décrocher son sac des épaules. Un moment de faiblesse, le sac va toucher terre…et non, une caisse s’arrête. Banco. Deux femmes nous embarquent sans trop savoir où l’on va. Deux femmes de Santa Barbara ça jacte, ça piaille tellement qu’on se demande ce qu’on fout là. La musique est à fond, ça chante et raconte ses histoires de cœurs en nous ignorant. La caisse s’arrête toutes les 10 minutes, un coup pour les « restroom » (nom débile, qui voudrait « rester « aux chiottes dans une station essence paumée ?), un coup pour gratter à la loterie, un autre pour empocher ses gains. Ca jacte, ça piaille, elles sont délurées mais nous nous incrustons au fur et à mesure dans les conversations, « Fuck, that’s means be in love in French ? » … je ne pense pas non…. L’une aurait perdu son mec à la guerre, l’autre commente son Facebook, les deux semblent habiter une réserve indienne, quand elles nous parlent c’est léger et joyeux. La musique a beau être pire que celle d’un mauvais drag show, nous sommes contents d’avancer. Le midi nous étions dans un coin paumé à griller au soleil, des pièces de barbecue sauce bitume. 5 heures de route et 230 miles plus tard et nous voilà traversant le Golden Gate Bridge. Entrée fracassante dans Frisco!